Les informations les plus importantes de la semaine portent sur la régulation du réseau au sens large : neutralité du Net et licence globale.
L’on parle en effet, à Bruxelles, de «différenciation dans la gestion du contenu» dans le cadre de la fourniture d’accès à Internet. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une réponse à un problème économique intrinsèque au fonctionnement d’Internet : le réseau sert à véhiculer des contenus de plus en plus volumineux et demandeurs en bande passante (par exemple, le streaming multimédia), alors que la bande passante est une ressource limitée. L’idée de la différenciation du contenu apparaît alors de manière évidente : certains contenus bénéficieront d’une priorité et se verront allouer la majeure partie de la bande passante, alors que d’autres contenus, non prioritaires, devront se contenter de la bande passante restante. Concrètement, voici un hypothétique futur : les FAI et les «gros» opérateurs s’entendent ; l’internaute paie un forfait «haut débit premium» à son FAI et peut accéder à YouTube à pleine vitesse ; en revanche, lorsqu’il se rend sur le site d’un petit hébergeur de vidéos indépendant, la bande passante est limitée et le débit chute de manière drastique. On l’aura compris, il s’agit d’une rupture du principe de neutralité du Net.
En France, Martine Aubry, candidate aux primaires socialistes pour l’élection présidentielle de 2012, propose l’instauration d’une licence globale à 2 euro par mois, en même temps que l’abrogation de la loi Hadopi.
De son côté, le ministre de la Culture juge que l’abrogation d’Hadopi est «une folie». Pour preuve s’il en est, les USA sont en train d’instaurer un système de riposte graduée (v. n°65). Mais c’est oublier que, précisément, c’est aux USA que le lobby des ayants droit est le plus puissant (Hollywood). La balance penche donc systématiquement de leur côté, au détriment de l’intérêt général.
Que propose le PS ? Selon son programme, «l’acceptation des échanges de biens culturels hors marché, à des fins non lucratives, conduira les internautes à s’acquitter en retour d’une contribution individuelle au financement de la création, qui doit rester modeste et pourrait devenir socialement progressive». Cela signifie que les internautes pourront s’échanger des fichiers d’oeuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle (films, musique, livres, photos…), à titre gratuit, en échange d’une augmentation de 2 euro du prix de leur abonnement à Internet. Les internautes ne souhaitant pas échanger de fichiers pourraient ne pas payer les 2 euro supplémentaires (puisque la contribution est «individuelle»). L’aspect «socialement progressif» du supplément reste plus mystérieux.
Il serait intéressant d’envisager une progression en fonction du débit. Ainsi, les internautes qui souhaitent avoir un accès à faible débit (disons, ADSL 2 Mb/s) paieraient un supplément de 50 centimes d’euro, parce qu’un tel débit ne permet de télécharger que très peu d’oeuvres multimédia dans le laps de temps d’un mois. Les internautes bénéficiant d’un débit moyen (disons, ADSL 20 Mb/s) paieraient le supplément «normal» de 2 euro, parce que le débit de leur ligne permet de télécharger confortablement un volume important de fichiers. Enfin, les internautes connectés à haut débit paieraient de 3 à 5 euro.
Dans un tel scénario, le supplément serait intégré dans le prix de l’abonnement, perçu et reversé par les FAI, et ne ferait pas l’objet d’un option de la part de l’internaute (une telle option favoriserait la fraude: les internautes ne paieraient pas le supplément et téléchargeraient tout de même en profitant de l’immunité de fait que leur confère l’abrogation d’Hadopi et la fin de la surveillance des réseaux de partage). Cette solution présente également l’avantage de ne pas rompre avec le principe de neutralité du Net, puisqu’il n’y a pas de discrimination quant au contenu des échanges, au protocole de communication utilisé ou à l’émetteur ou au destinataire des données. Elle permettrait enfin d’endiguer le phénomène du téléchargement direct qui exacerbe le problème de la répartition de la bande passante et crée un marché parallèle de l’hébergement de fichiers contrefaisants, en permettant à nouveau les échanges entre internautes lorsqu’ils sont directs, désintéressés, et à but culturel.
• 684 mots • #Internet #neutralité #téléchargement #P2P #propriété intellectuelle #discrimination #Hadopi #USA #bande passante #FAI #régulation #streaming #licence globale #politiquePeople are starving to death, in 2011, in the Horn of Africa.
According to the FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), only US$30 billion a year are needed «to eradicate the scourge of hunger».
But how do we use those billions ?
Really, there are better ways to spend money…
• 112 mots • #InclassableL’événement le plus important dans l’actualité du droit des nouvelles technologies de la semaine est certainement l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) dans l’affaire L’Oréal c. eBay le 12 juillet 2011.
La directive 2000/31 dite «commerce électronique», transposée en droit français par la LCEN du 21 juin 2004, instaure un régime spécial de responsabilité destiné aux intermédiaires techniques, et notamment aux hébergeurs. Ceux-ci bénéficient d’une irresponsabilité de principe pour le contenu diffusé par les internautes, qui sont considérés comme les destinataires des services fournis. Cette exonération de responsabilité cède lorsque l’intermédiaire technique a eu connaissance de l’existence du contenu illicite et n’a rien fait pour en faire cesser la diffusion, alors que cela était en son pouvoir. La question de la qualification des opérateurs du commerce électronique est donc récurrente en jurisprudence, puisqu’elle détermine le régime de responsabilité qui leur est applicable (régime spécial ou droit commun).
De nombreuses décisions contradictoires ont été rendues ces dernières années par les différentes juridictions des États membres. Aussi, la position de la CJUE était attendue. La Cour s’était déjà prononcée en partie sur le sujet, dans un arrêt du 23 mars 2010 rendu dans l’affaire Google. Elle avait décidé que le régime spécial de responsabilité était destiné aux opérateurs purement «passifs», qui n’exercent aucun contrôle sur le contenu qu’ils participent à diffuser. Cependant, le critère de la passivité engendre plus de doutes qu’il n’en apaise, car tous les sites du Web 2.0 sont «plus ou moins» actifs vis-à-vis des internautes.
L’arrêt L’Oréal c. eBay apporte quelques précisions. Selon la Cour, le simple fait pour un opérateur d’organiser le contenu fourni par les internautes ne suffit pas à caractériser un contrôle de ce contenu. L’opérateur qui se borne à organiser le contenu demeure donc «passif» et peut bénéficier du régime spécial. En revanche, l’opérateur qui en fait la promotion ou qui l’optimise devient actif (plus précisément, selon la Cour, l’opérateur qui «prête une assistance consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en ligne ou à promouvoir ces offres» acquiert un «rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données»). En effet, l’organisation des contenus repose sur une distinction entre ces contenus et non sur une discrimination : tel contenu appartient à telle catégorie et sera affiché sur telle page, mais cela ne signifie pas que l’opérateur a contrôlé ce contenu et qu’il lui a accordé sa préférence. Au contraire, lorsque l’opérateur réalise la promotion un contenu, cette mise en avant du contenu s’effectue par rapport aux autres contenus qui sont alors placé en retrait ; il y a donc une discrimination, un contrôle des contenus soumis par les internautes et, en quelque sorte, un choix éditorial.
L’arrêt L’Oréal c. eBay apporte donc quelques éléments d’interprétation du critère posé par la Cour dans son précédent arrêt. Cependant, des doutes subsistent. Par exemple, que dire d’un site qui, certes, promeut certains contenus, mais qui le fait selon des critères hors de son contrôle, comme le nombre de visites des internautes ? Doit-on distinguer selon que le contenu est promu ou non, et appliquer alternativement l’un ou l’autre des régimes de responsabilité : régime spécial pour tous les contenus, sauf pour les contenus promus ? On pourrait considérer qu’en choisissant de ne pas promouvoir un contenu, l’opérateur demeure passif ou, au contraire, décider que le choix de ne pas promouvoir ce contenu est en soi une forme de contrôle. Le problème de la qualification n’est donc toujours pas résolu. En revanche, si la qualification d’hébergeur est retenue, la connaissance du contenu illicite pourra se déduire de la décision de le promouvoir : le droit commun de la responsabilité serait donc applicable, dans cette hypothèse, non en raison de la qualification de l’opérateur, mais par ce que les conditions d’application du régime spécial (ignorance du contenu ou diligence dans son retrait) ne sont pas remplies.
De là, le second apport de l’arrêt L’Oréal c. eBay. On l’a dit, le régime spécial de responsabilité est applicable à tous les hébergeurs, mais il n’est pas appliqué lorsque ses conditions d’application ne sont pas satisfaites. Il sera donc appliqué lorsque l’hébergeur n’a pas eu connaissance du contenu illicite qu’il participait à diffuser. Dès lors, se pose la question de savoir comment caractériser la connaissance du contenu illicite par l’hébergeur. La jurisprudence française a répondu par le formalisme : la LCEN exige que l’hébergeur soit notifié du contenu illicite selon certaines formes très précises, et ce n’est que si ces formes sont scrupuleusement respectées par la victime que la présomption d’ignorance dont bénéficie l’hébergeur peut être renversée. La CJUE, quant à elle, n’exige pas un tel formalisme. Selon la Cour, la preuve de la connaissance du contenu illicite par l’hébergeur peut être apportée de diverses manières, autres qu’une notification formelle. Ainsi, l’hébergeur sera responsable »s’il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en ligne», et qu’il n’a pas agi promptement pour retirer ces offres. Par exemple, eBay peut difficilement ignorer qu’il héberge des offres de vente vers des contrefaçons lorsqu’elle utilise des mots-clés sur Google pour attirer les internautes vers les pages concernées. Cette interprétation est dangereuse: il n’y a qu’un pas à franchir pour instaurer une obligation générale de surveillance incombant aux intermédiaires (ce que la directive interdit), en considérant par exemple que ces derniers sont censés connaître tout contenu retiré une première fois et empêcher sa remise en ligne dans le futur dans d’autres internautes.
Pour résumer, l’apport de l’arrêt L’Oréal c. eBay est double. D’une part, le critère de qualification des opérateurs (hébergeur ou non) reposant sur la «passivité» de leur comportement est éclairé par une nouvelle interprétation (la «promotion» du contenu est caractéristique du comportement actif, contrairement à la simple «organisation» de ce contenu). D’autre part, une fois établi que l’opérateur bénéficie de la qualification d’hébergeur, il est possible de renverser la présomption d’ignorance du contenu illicite hébergé par d’autres moyens que la notification formelle. Ces deux points soulèvent à leur tous de nombreuses questions, auxquelles les juridictions nationales devront répondre dans les mois à venir.
• 1040 mots • #commerce électronique #responsabilité #Google #LCEN #Web 2.0 #FAI #intermédiaires #jurisprudence #EuropeL’actualité du droit des nouvelles technologies est dominée, cette semaine, par le thème de la «riposte graduée» qui a pour but de combattre la contrefaçon en ligne par le partage de fichiers sur les réseaux de pair-à-pair.
La «riposte graduée» a été mise en oeuvre pour la première fois dans la loi française Hadopi : l’internaute repéré sur les réseaux de partage est averti par courrier électronique, puis par courrier postal s’il continue à télécharger, avant que des sanctions soient prises s’il persiste encore. L’idée de la gradation de la sanction a été reprise aux États-Unis, dans le cadre d’un accord entre les ayants droit et les principaux fournisseurs d’accès (FAI)(es).
Contrairement au système français, qui repose sur une loi, le système américain est privé(en) : le législateur n’est pas intervenu, il s’agit d’un simple accord entre entreprises. Cet accord a toutefois reçu la bénédiction de la Maison Blanche(en) qui est directement intervenue dans les négociations.
La riposte graduée américaine se déroule en 6 étapes(en) :
Le système ne prévoit pas de recours pour l’internaute(en) avant les 5 et 6ème étapes.
Pourquoi ce système ? Les majors américains combattent depuis longtemps le téléchargement illicite, et ils ont déjà épuisé 2 stratégies. La première était celle des affaires Napster et Grokster : s’attaquer au réseau lui-même, ou à la société qui lui permet d’exister. La deuxième stratégie, encore utilisée aujourd’hui, consiste à assigner les internautes en justice pour contrefaçon. Cette stratégie est un échec, principalement pour deux raisons : d’abord, le système judiciaire américain (et français non plus) n’est pas prévu pour les actions visant des milliers de personnes ; ensuite, le montant très élevé des condamnations, rendant ces dernières injustes (car exemplaires), ont terni l’image des majors auprès du public. La riposte graduée est une nouvelle stratégie qui, selon les majors, est pleine de promesses.
Quels sont les avantages ? La riposte graduée est un système automatisé et pensé pour répondre à un phénomène de masse (contrairement au procès civil ou pénal). Les FAI sont des intermédiaires indispensables à l’accès à Internet, et ils ont tout pouvoir matériel et juridique (contrat d’adhésion) d’imposer unilatéralement les conditions de l’accès à leurs clients. Le système devrait donc être fluide et efficace. En outre, il se veut pédagogique et moins cruel que les contentieux de masse.
Quels sont les inconvénients ? Sans entrer dans le débat sur l’accès à la culture et le bien-fondé des législations actuelles en matière de propriété intellectuelle, deux inconvénients majeurs peuvent être identifiés. D’abord, les intermédiaires techniques deviennent la «police privée» du réseau, et tel n’est pas leur rôle. Qu’un opérateur surveille un internaute lorsqu’il y est contraint par une décision de justice est une chose, qu’il le fasse dans le cadre d’un accord avec une autre société en est une autre. La violation de la vie privée des internautes est flagrante lorsqu’il s’agit de surveiller les réseaux de partage, mais le droit américain, contrairement au droit européen, n’encadre véritablement la collecte et le traitement des données personnelles que lorsque ces opérations sont réalisées par des personnes publiques. Ensuite, les mesures techniques prises à titre de sanction peuvent constituer une violation du (déjà fragile) principe de neutralité du Net (qui interdit les discriminations à raison du contenu, de l’émetteur, du destinataire, ou de la technologie utilisée).
Nous parlions en mai de l’affaire TMG ; celle-ci a connu, cette semaine, quelques développements. Une faille de sécurité sur les serveurs de TMG avait été repérée en mai.
La CNIL annonce cette semaine qu’elle a mis en demeure TMG et les ayants droit en juin, pour une période de 3 mois. Les ayants droit enjoignent désormais TMG de sécuriser ses serveurs.
Après avoir contrôlé TMG, la CNIL a précisé que la faille de sécurité ne concernait pas directement la riposte graduée, mais que le contrôle avait fait apparaître que TMG ne respectait pas toujours la loi «Informatique et Libertés».
• 769 mots • #L’on revient, cette semaine, sur l’actualité de Google, sur les pratiques de filtrage de plus en plus fréquentes, sur la neutralité du Net et sur la responsabilité des intermédiaires.
L’actualité de Google est intéressante, cette semaine. Les récents changements à la tête de la société américaine semblent avoir eu pour conséquence une accélération dans la mise en oeuvre des projets de Google. Ainsi, en premier lieu, l’interface de plusieurs applications Web (le moteur de recherche, Gmail, Agenda) a changé : une barre noire en haut de la page, un menu gris à gauche, le tout étant plus sombre et plus «pro» que l’ancienne version qui, à force d’accueillir de nouveaux éléments, était devenue de moins en moins facilement lisible. En deuxième lieu, le premier «Chromebook» (ordinateur tournant sous le système d’exploitation Chrome OS de Google), fabriqué par Samsung, vient de sortir. Globalement, l’ordinateur semble cher pour ce qu’il fait, avec une configuration matérielle plutôt faible et un système d’exploitation n’offrant que peu de possibilités en dehors de l’usage des applications en ligne signées Google. En troisième lieu, Google a lancé cette semaine son pseudo-réseau social, «Google+» (démonstration interactive). Il s’agit d’une plateforme regroupant plusieurs services de Google, comme +1 ou Picasa, et fondé sur un concept intéressant de «cercles» : l’utilisateur définit plusieurs «cercles», le cercle familial, le cercle des amis et le cercle professionnel, par exemple, et choisit les informations à partager avec chacun de ces cercles. Cela devrait éliminer le problème bien connu sur Facebook des photos compromettantes accessibles aux contacts professionnels. Alors que Google est souvent critiquée pour sa politique en matière de protection de la vie privée, et que les autorités françaises n’hésitent pas à demander des informations à la société américaine, le site PCInpact fait le point sur la protection des données personnelles dans le cadre de Google+.
La Commission européenne a répondu, le 26 juin, à une question écrite posée par une eurodéputée et relative à l’instauration d’une «taxe YouTube». Il s’agit, pour les FAI, de facturer à certains «gros» sites diffuseurs de médias volumineux, comme YouTube (qui diffuse des vidéos), la consommation de bande passante. Que dire… cela peut être une bonne ou une mauvaise idée : s’il s’agit de faire payer certains gros sites qui génèrent d’énormes revenus sans participer à l’entretien des infrastructures qui leur permettent d’exister, c’est plutôt une bonne idée (à l’heure actuelle, le coût de l’entretien repose in fine sur les abonnés à Internet) ; en revanche, s’il s’agit de permettre aux FAI de discriminer selon la provenance des contenus, en favorisant leurs propres services, l’idée devient mauvaise. Toujours est-il que la Commission européenne ne tranche pas : la question est en débat, mais une telle taxe n’est pas inenvisageable.
L’on a beaucoup parlé, cette semaine, de la réunion de l’OCDE sur la régulation d’Internet. Comment souvent, les compromis ont été recherchés, et il en résulte des idées abstraites et parfois contradictoires plutôt que des engagements précis. Ainsi, l’OCDE affirme la nécessité d’un Internet libre et ouvert, de la protection de la vie privée des internautes, et de la sauvegarde des droits de propriété intellectuelle. Or, ces trois exigences sont souvent incompatibles : pour protéger les droits de propriété intellectuelle, l’on surveillera les internautes au détriment de leur droit à la vie privée et l’on filtrera certains sites au détriment de la neutralité du Net ; pour protéger la vie privée des internautes, l’on rendra Internet un peu moins libre et ouvert puisque la protection de la vie privée d’un internaute n’est pas forcément compatible avec la liberté d’expression d’un autre internaute. En définitive, la question essentielle est celle de savoir si la balance penchera d’un côté ou de l’autre, ou si elle gardera un certain équilibre.
Affaire Comcast, bis repetita, mais cette fois-ci en Belgique : le FAI Telenet bride le réseau P2P BitTorrent en réduisant le débit de la connexion lorsque ce protocole de partage est utilisé. Il s’agit de la première violation de grande ampleur de la neutralité du Net en Europe. Affaire à suivre… cela ne fait que commencer.
En France, la Cour d’appel de Paris [arrêt en PDF] a rejeté la QPC de Darty dans l’affaire Stanjames. Rappelons brièvement les faits : Stanjames est un site de paris en ligne étranger qui n’est pas autorisé en France ; aussi, l’autorité de régulation (ARJEL) a saisi le juge afin qu’il ordonne aux FAI français, en application de la loi sur la régulation des jeux en ligne, de filtrer ce site. La loi précise que les FAI seront indemnisés du coût des mesures prises pour filtrer les sites de paris en ligne non autorisés, mais le décret devant préciser les modalités de cette indemnisation n’a pas été pris. Les FAI doivent donc mettre en place les mesures de filtrage à leurs frais, et c’est ce qu’a contesté Darty. La Cour d’appel ayant rejeté sa demande, les FAI devront continuer à filtrer sans être indemnisés.
En France encore, nouveau rebondissement dans la très intéressante affaire Gallimard. Le problème est le suivant : au Canada, on parle français et on lit des livres d’auteurs français, mais les oeuvres tombent dans le domaine public au bout de 50 ans après le décès de l’auteur, alors qu’en France, il faut attendre 70 ans. Des sites canadiens offrent donc gratuitement, sur Internet, des oeuvres d’auteurs français qui, selon le droit local, sont dans le domaine public… mais qui ne le sont pas encore en France ! Il suffit donc, pour un internaute français, d’aller télécharger les fichiers sur ces sites canadiens, plutôt que de les acheter en France. Pour Gallimard, cette situation est problématique (en revanche, que les ayants droit continuent à percevoir de l’argent d’un travail auquel ils sont étrangers pendant 70 ans après la mort de l’auteur, cela ne semble poser aucun problème), et la société française a demandé le blocage en France des sites canadiens. Elle a d’abord obtenu gain de cause, avec une ordonnance sur requête du 11 mai 2010. Le juge parisien est aujourd’hui revenu sur cette décision en expliquant que le blocage de site est une atteinte à la liberté d’expression et qu’il ne peut donc être mis en oeuvre, selon la loi, soit par ordonnance lorsqu’il y a urgence, soit à la suite d’un procès régulier avec un débat contradictoire entre les parties.
En France toujours, le filtrage volontaire (logiciel installé sur le terminal client) se précise : la SCPP a dressé une liste de 30000 oeuvres dont les contrefaçons pourraient être filtrées. C’est clairement le «direct download» qui est ici visé, et plus particulièrement certains sites comme Rapidshare ou Megaupload.
Au Royaume-Uni, c’est le site Newzbin pourrait bientôt être filtré. Il s’agit d’un simple moteur de recherche, à l’instar de Google, mais qui, contrairement à ce dernier, ne recherche pas des pages sur le Web mais des fichiers binaires sur Usenet. Une fois les fichiers trouvés, le site permet de créer un fichier NZB lisible par plusieurs logiciels de téléchargement, qui se chargent alors de récupérer les fichiers. Les newsgroups binaires d’Usenet sont, à l’heure actuelle, la méthode la plus sophistiquée pour télécharger des fichiers contrefaisants. La MPAA a donc poursuivi le FAI British Telecom afin d’obtenir le blocage de Newzbin. Encore une affaire à suivre.
Le statut «d’éditeur de presse en ligne» est devant le Conseil constitutionnel, à la suite d’une demande de QPC acceptée par la Cour de cassation. Résumons : la LCEN de juin 2004 a créé le statut d’hébergeur, par opposition à celui d’éditeur : les éditeurs sont responsables du contenu qu’ils éditent, alors que les hébergeurs ne sont responsables que si, ayant connaissance de l’existence d’un contenu manifestement illicite, ils n’ont rien fait pour le retirer. La loi Hadopi 1 a créé un régime spécifique aux responsables de forums de discussion, calqué sur celui des hébergeurs, mais sans l’adverbe manifestement. Les conséquences juridiques sont très importantes : le responsable d’un forum de discussion, contrairement à un hébergeur, ne peut se défendre en argüant que le contenu n’était pas manifestement illicite et que, s’il ne l’a pas retiré, c’est qu’il attendait que le juge se prononce sur sa licéité. Il y a donc un risque énorme que les responsables de forums jugent les contenus qui leur sont soumis d’une manière très sévère, et qu’ils exercent une censure privée afin d’éviter d’être tenus pour responsable de la diffusion d’un contenu qui serait, a posteriori, jugé illicite par un tribunal. Ce risque est une restriction de la liberté d’expression, et le Conseil constitutionnel est appelé à se prononcer sur sa conformité à la constitution.
• 1456 mots • #neutralité #téléchargement #P2P #propriété intellectuelle #responsabilité #Google #vie privée #données personnelles #libre #linux #jeux en ligne #Facebook #LCEN #Hadopi #censure #liberté d'expression #Megaupload #bande passante #régulation #QPC #livresL’actualité du droit des nouvelles technologies est dominée, cette semaine, par deux affaires : en France, le décret sur le filtrage et, aux États-Unis, l’instauration possible, dans le futur, d’un système privé de riposte graduée.
Nous parlions la semaine dernière d’un projet de décret visant à étendre le filtrage administratif en France à tous les domaines (il est pour l’instant limité aux sites pédopornographiques, en application de la LOPPSI 2) ; ce décret a fait l’objet cette semaine d’un avis consultatif [PDF] du Conseil National du Numérique (CNN). Or, le CNN n’est clairement pas favorable au filtrage administratif. Il invoque plusieurs arguments dont voici les principaux :
Prenant acte de l’avis, le ministre a annoncé que le projet de décret serait modifié. L’avis du CNN n’étant que consultatif, le gouvernement n’est pas obligé de le suivre. Cependant, il est probable qu’il le fasse, et certains y voient même une manipulation : le ministre aurait proposé un texte qui va bien trop loin pour, ensuite, faire semblant de négocier, de reculer et d’accepter une position «raisonnable» qui correspond à son objectif original.
Aux États-Unis, l’on parle de la riposte graduée, innovation française de la loi Hadopi. Actuellement, aucune loi ne sanctionne spécifiquement le téléchargement illicite. Aussi, les ayants droit et les grands FAI américains discutent de la mise en place d’un système privé de riposte graduée qui partagerait avec la système Hadopi la progressivité des sanctions, mais qui, à la différence de ce dernier, n’aboutirait pas à la coupure d’accès (il ne s’agit tout de même pas, pour les FAI, de perdre des clients !). Les sanctions sont donc diverses et, à ce stade, purement spéculatives ; elles vont du plus classique, comme la menace l’avertissement par courrier électronique, au plus exotique comme la réduction du débit de téléchargement ou la limitation de l’accès à certains sites.
L’on sait qu’en France, la sanction de coupure d’accès à Internet s’est heurtée au droit à la liberté d’expression, et a été neutralisée par le Conseil constitutionnel. L’on pourrait donc penser qu’il en irait de même aux États-Unis, où la liberté d’expression est sans doute le droit le plus important parmi les droits fondamentaux. Mais tel n’est pas forcément le cas : la Constitution américaine s’applique directement à l’État et aux administrations (il leur est donc interdit d’interdire la libre expression), mais pas aux personnes privées… Des sanctions qui pourraient être vues comme des mesures de censure, atteintes intolérables à la liberté d’expression (par exemple, la limitation de l’accès à une liste blanche de sites), pourraient donc parfaitement être mises en oeuvre par les fournisseurs d’accès.
En revanche, le système américain de riposte graduée pourrait être sanctionné sous l’angle du principe de Neutralité du Net, si la FCC est reconnue compétente pour imposer le respect de ce principe aux FAI (la question est débattue, cf. l’affaire Comcast).
• 764 mots • #Internet #neutralité #téléchargement #responsabilité #gouvernement #filtrage #LCEN #Hadopi #LOPPSI #USA #FCC #liberté d'expression #FAI #intermédiaires