La fin des vacances, la rentrée des classes… et la rentrée de Google qui, comme chaque année à la même époque, doit obtenir le renouvellement de l’autorisation qui lui permet de fournir ses services en Chine. L’on se rappellera qu’en 2010, Google avait rechigné à collaborer avec les autorités chinoises à la censure du Web ; l’entreprise américaine avait même menacé de quitter le marché chinois. Cette année, il suffit de «quelques ajustements» à Google pour conserver sa licence… mais allez savoir ce qui fut ajusté !
Le gouvernement britannique s’en prend, lui aussi, à Google. Constatant que le moteur de recherche est le point d’entrée sur le Web de nombreux internautes, il souhaite le filtrage des sites fournissant des contenus contrefaisants. Cela suppose donc que Google analyse chaque site indexé dans sa base de données, se prononce sur la licéité du contenu de ce site, et prenne ensuite la décision de le garder dans l’index ou de l’en exclure. Or, de deux choses l’une : soit Google est un intermédiaire technique qui n’intervient pas sur le contenu, et qui ne peut donc être tenu pour responsable de la diffusion de contenus illicites par son truchement ; soit Google intervient activement sur le contenu et doit alors répondre du risque qu’il prend de censurer un contenu licite ou de laisser passer un contenu illicite. Dans sa fonction de moteur de recherche, Google a (presque) toujours été considéré (à raison) par la jurisprudence comme un intermédiaire technique ; or, la directive commerce électronique (applicable au Royaume-Uni comme ailleurs en Europe) interdit aux États membres d’imposer aux intermédiaires techniques une obligation générale de surveillance des contenus illicites. La mesure voulue par le gouvernement britannique est donc a priori contraire au droit communautaire.
En France, le Conseil constitutionnel a apporté quelques précisions sur l’interprétation de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, en répondant à une Question Prioritaire de Constitutionnalité. La partie intéressante de l’article dit ceci : «Lorsque l’infraction [c’est-à-dire, la diffusion d’un message illicite] résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message.» Le texte mentionne le directeur de la publication, mais pas le producteur du site. Or, l’animateur d’un site et le modérateur d’un forum sont qualifiés, en droit de la presse, de producteurs. L’on peut déduire d’une lecture littérale de la loi que l’omission des producteurs signifie qu’ils ne bénéficient pas du régime spécial de responsabilité des directeurs de la publication. La portée de la décision du Conseil constitutionnel est de passer outre cette omission, en incluant les producteurs, aux côtés des directeurs de la publication, parmi les bénéficiaires du régime spécial de responsabilité. Le Conseil raisonne que le modérateur d’un forum, qui n’a pas pris connaissance du contenu illicite, ne devrait pas être tenu pour responsable de ce contenu en lieu et place de l’auteur. En revanche, si le modérateur prend connaissances des messages publiés avant leur publication, il perd le bénéfice du régime spécial de responsabilité. Cette règle a pour effet de protéger la liberté d’expression et de rendre corrélativement plus difficile la sanction des délits de presse sur Internet, lorsque l’auteur du message illicite agit sous couvert d’anonymat.
Et puis l’on reparle aussi du filtrage, en France ; mais, une fois n’est pas coutume, il ne s’agit plus d’empêcher que le contenu d’un site diffusé depuis un autre pays parvienne aux internautes français. Il s’agit, cette fois, de l’inverse : certaines émissions de France Télévision, notamment «C dans l’air» (France 5), gratuitement diffusées sur le Web, ne sont plus accessible en dehors du territoire français. La raison n’étonnera pas : les droits de propriété intellectuelle (cédés par le producteur de l’émission à la personne qui la diffuse sur le Web) ne permettent la diffusion de ces émissions qu’en France, et non à l’étranger. Une sénatrice dénonce ainsi le fait que les français vivant à l’étranger se voient interdit l’accès à un service public (d’un autre côté, s’ils ne paient pas d’impôt en France…). Mais surtout, les étrangers francophones perdent l’accès à ces émissions de télévision françaises, ce qui ne peut que nuire à la diffusion de la culture française dans le monde. Voyez le paradoxe : c’est sur le fondement des droits de propriété intellectuelle, censés favoriser la création et la diffusion des oeuvres, que la diffusion d’émissions de télévision est interdite…
Dans la même veine : le Conseil Européen a validé l’extension de la durée des droits voisins des producteurs et artistes-interprètes de 50 à 70 ans après la mort de leur titulaire. La mesure a un effet rétroactif et s’applique aux oeuvres qui devaient tomber dans le domaine public d’ici 20 ans. Nul doute, en effet, qu’une telle mesure favorise la création artistique puisque, comme chacun le sait, les chanteurs continuent de créer de nouvelles chansons 70 ans après leur mort. Et si l’on continuait de verser un salaire pendant 70 ans après la mort du salarié, cela encouragerait-il le travail comme la mesure mise en oeuvre par le Conseil est censée encourager la création ?