Les informations les plus importantes de la semaine portent sur la régulation du réseau au sens large : neutralité du Net et licence globale.
Neutralité du Net
L’on parle en effet, à Bruxelles, de «différenciation dans la gestion du contenu» dans le cadre de la fourniture d’accès à Internet. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une réponse à un problème économique intrinsèque au fonctionnement d’Internet : le réseau sert à véhiculer des contenus de plus en plus volumineux et demandeurs en bande passante (par exemple, le streaming multimédia), alors que la bande passante est une ressource limitée. L’idée de la différenciation du contenu apparaît alors de manière évidente : certains contenus bénéficieront d’une priorité et se verront allouer la majeure partie de la bande passante, alors que d’autres contenus, non prioritaires, devront se contenter de la bande passante restante. Concrètement, voici un hypothétique futur : les FAI et les «gros» opérateurs s’entendent ; l’internaute paie un forfait «haut débit premium» à son FAI et peut accéder à YouTube à pleine vitesse ; en revanche, lorsqu’il se rend sur le site d’un petit hébergeur de vidéos indépendant, la bande passante est limitée et le débit chute de manière drastique. On l’aura compris, il s’agit d’une rupture du principe de neutralité du Net.
Propriété intellectuelle
En France, Martine Aubry, candidate aux primaires socialistes pour l’élection présidentielle de 2012, propose l’instauration d’une licence globale à 2 euro par mois, en même temps que l’abrogation de la loi Hadopi.
De son côté, le ministre de la Culture juge que l’abrogation d’Hadopi est «une folie». Pour preuve s’il en est, les USA sont en train d’instaurer un système de riposte graduée (v. n°65). Mais c’est oublier que, précisément, c’est aux USA que le lobby des ayants droit est le plus puissant (Hollywood). La balance penche donc systématiquement de leur côté, au détriment de l’intérêt général.
Que propose le PS ? Selon son programme, «l’acceptation des échanges de biens culturels hors marché, à des fins non lucratives, conduira les internautes à s’acquitter en retour d’une contribution individuelle au financement de la création, qui doit rester modeste et pourrait devenir socialement progressive». Cela signifie que les internautes pourront s’échanger des fichiers d’oeuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle (films, musique, livres, photos…), à titre gratuit, en échange d’une augmentation de 2 euro du prix de leur abonnement à Internet. Les internautes ne souhaitant pas échanger de fichiers pourraient ne pas payer les 2 euro supplémentaires (puisque la contribution est «individuelle»). L’aspect «socialement progressif» du supplément reste plus mystérieux.
Il serait intéressant d’envisager une progression en fonction du débit. Ainsi, les internautes qui souhaitent avoir un accès à faible débit (disons, ADSL 2 Mb/s) paieraient un supplément de 50 centimes d’euro, parce qu’un tel débit ne permet de télécharger que très peu d’oeuvres multimédia dans le laps de temps d’un mois. Les internautes bénéficiant d’un débit moyen (disons, ADSL 20 Mb/s) paieraient le supplément «normal» de 2 euro, parce que le débit de leur ligne permet de télécharger confortablement un volume important de fichiers. Enfin, les internautes connectés à haut débit paieraient de 3 à 5 euro.
Dans un tel scénario, le supplément serait intégré dans le prix de l’abonnement, perçu et reversé par les FAI, et ne ferait pas l’objet d’un option de la part de l’internaute (une telle option favoriserait la fraude: les internautes ne paieraient pas le supplément et téléchargeraient tout de même en profitant de l’immunité de fait que leur confère l’abrogation d’Hadopi et la fin de la surveillance des réseaux de partage). Cette solution présente également l’avantage de ne pas rompre avec le principe de neutralité du Net, puisqu’il n’y a pas de discrimination quant au contenu des échanges, au protocole de communication utilisé ou à l’émetteur ou au destinataire des données. Elle permettrait enfin d’endiguer le phénomène du téléchargement direct qui exacerbe le problème de la répartition de la bande passante et crée un marché parallèle de l’hébergement de fichiers contrefaisants, en permettant à nouveau les échanges entre internautes lorsqu’ils sont directs, désintéressés, et à but culturel.