La revue hebdomadaire d’actualité du droit des nouvelles technologies revient, en 2015, dans une nouvelle édition. Voici le premier numéro, numéroté 108 pour s’inscrire dans le prolongement de l’ancienne édition.
L’actualité est encore marquée, cette semaine, par les attentats terroristes contre Charlie Hebdo. Certaines personnes ont tenté de déposer la marque «Je suis Charlie» afin de réclamer des royalties à chacune de ses utilisations dans les médias. L’INPI leur a rapidement répondu qu’un tel dépôt était irrecevable, faute pour le slogan d’avoir un caractère distinctif. Quant à ceux qui ont publiquement fait l’apologie du terrorisme, abusant d’un droit à la libre expression qui ne saurait justifier l’ignominie, ils ont été promptement condamnés.
Google, toujours présent dans ces colonnes, est de nouveau sollicité pour imposer le respect du droit à l’oubli, consacré par la Cour de Luxembourg dans son arrêt du 13 mai 2014 (C-131/12). La société a été condamnée en référé, en décembre dernier, à retirer les liens vers un contenu mettant en lumière une condamnation pénale de la demanderesse. Cette condamnation ancienne n’était pas mentionnée dans son casier judiciaire et l’article référencé par Google lui causait un préjudice injustifié, en rendant plus difficile sa recherche d’un emploi.
L’on parle souvent du filtrage et du blocage des contenus sur Internet, par des mesures techniques mises en œuvre par les intermédiaires. Souvent présenté comme une solution miraculeuse lorsque le contenu provient de l’étranger, le blocage peut aussi avoir des effets pervers et être utilisé de manière abusive. Tel est le cas dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 18 décembre 2014 : une société est condamnée pour avoir demandé le blocage de la page Facebook d’une concurrente, causant un préjudice à cette dernière.
Le premier jugement faisant application de l’article 226-4-1 du Code pénal a été rendu le 18 décembre 2014 par le TGI de Paris. Selon cet article, issu de la loi du 14 mars 2011, «Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. – Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.» Un internaute utilisant une faille de sécurité sur le site officiel de Rachida Dati avait permis la publication de commentaires parodiques, prétendument rédigés par la députée-maire. Le faux site reprenait la charte graphique du site officiel et sa mise en page, si bien que les visiteurs étaient induits en erreur. L’utilisation d’une faille de sécurité pour permettre le subterfuge caractérise l’élément intentionnel de l’infraction.
Six Vision
Le droit à l’oubli et Google France
Le cas suivant est le premier d’une longue série qui s’annonce : Google France est condamné pour la première fois à déréférencer un lien portant préjudice. Une internaute, précédemment condamnée à une peine de prison, avait exigé la suppression d’un lien vers un article relatant l’escroquerie pour laquelle elle avait été condamnée. La demanderesse lésée a obtenu la condamnation Google Inc, dans une ordonnance de référé du 19 décembre 2014. Le TGI a tout d’abord considéré que Google France n’était pas responsable du traitement des données, puis il s’est rangé à la position de la Cour de justice de l’UE qui avait considéré, dans un arrêt du 13 mai 2014, qu’il est primordial de concilier la vie privée, la protection des données personnelles et la liberté d’expression et d’information. Le TGI de Paris a donc ordonné à Google de retirer les liens litigieux.
Est-il possible d’adapter «Merci pour ce moment» de Valérie Trierweiler au cinéma ?
Fort de son succès auprès du public français et étranger, le livre de Valérie Trierweiler fait l’objet d’un projet de film, annoncé par la réalisatrice Saïda Jawad. Qu’en est-il de la vie privée des personnages publics protagonistes de l’histoire ? Les scènes du film représentant les moments phares du livre violeraient la vie privée des personnes concernées. Rappelons-le, selon l’article 9 du Code civil, «chacun a droit au respect de sa vie privée». Dès lors que des éléments appartenant à la sphère intime et privée de l’individu sont révélés sans son consentement, l’on peut considérer qu’il y a violation de la vie privée. Cependant, ce principe vaut surtout pour les personnages privés et diffère pour les personnages publics dont certains éléments de leur vie peuvent avoir constitué un débat d’intérêt public. François Hollande aurait donc un certain mail à obtenir gain de cause en justice contre la réalisatrice, mais qu’en serait-il de Julie Gayet ? Ses actions pourraient plus probablement aboutir.
Ce film doit-il et peut-il être interdit ? À partir du moment où les scènes portent atteinte à la dignité des personnes, une action en justice pourrait être intentée. Le changement des prénoms dans le film ne l’éloignerait pas suffisamment de la réalité.
En conclusion, bien que le film ne sera probablement pas interdit de diffusion, la personne qui s’estime victime d’un préjudice pourrait tout de même intenter une action tendant à obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
Le mariage homosexuel aux Etats-Unis
Parallèlement au débat français sur le mariage «pour tous», la Cour suprême des Etats-Unis a été saisie le 16 janvier 2015 d’un sujet très controversé aux Etats-Unis : les couples homosexuels peuvent-ils se marier dans n’importe quel État fédéré ? La réponse est attendue pour fin juin. Une réponse positive irait indéniablement dans le sens de l’égalité de tous les américains devant la loi. Quatre États concernés par cette interdiction (l’Ohio, le Michigan, le Tennessee et le Kentucky) jugeant que l’union entre les homosexuels serait anti-constitutionnelle seront prochainement entendus par la Cour suprême.