Rares sont ceux qui, aujourd’hui, n’utilisent pas le courrier électronique. Plus rapide, plus simple et plus sûr qu’un courrier postal classique, l’e-mail est de plus en plus utilisé par des personnes de tous âges et de toutes provenances. Alors que les webmails sont en passe de gagner la guerre qui les oppose aux logiciels classiques, on ne peut que déplorer la méconnaissance et la quasi absence de ces derniers auprès du grand public.
L’explosion du phénomène e-mail dans notre société est assez récente. Pour être plus précis, elle date de l’ouverture des «webmails» tels que Hotmail (Microsoft), Yahoo!Mail (Yahoo!) ou Gmail (Google). Les webmails sont des interfaces de gestion du courrier électronique (rédaction, réception, archivage) et de contacts accessibles depuis un navigateur internet, par le protocole HTTP. Les webmails présentent trois avantages majeurs qui ont su les rendre populaires auprès des néophytes: gratuité, simplicité (pas de configuration), rapidité (pas de temps de téléchargement des messages).
Mais les webmails présentent également une importante restriction: ils nécessitent une connexion internet active lors de chaque opération. Pour rédiger un e-mail ou pour en lire un autre, il faut être connecté à internet. C’est maintenant possible grâce aux connexions permanentes à haut débit (ADSL principalement), mais ce n’a pas toujours été le cas.
Il y a quelques années, on se connectait à internet par modem, avec un très faible débit, et on devait payer au temps passé connecté. Rester connecté pendant la rédaction d’un long e-mail aurait été du gaspillage. Aussi, on utilisait des logiciels ou clients (par opposition aux webmails) pour rédiger hors-ligne ses e-mails, puis on se connectait quelques minutes pour envoyer les e-mails en file d’attente et télécharger les e-mails du serveur sur son ordinateur pour consultation hors-ligne.
Aujourd’hui, j’utilise un Mac et un compte Gmail, et je ne regrette le temps de mon adresse wanadoo.fr avec Eudora ou -surtout- Pegasus Mail.
Le principal problème vient de Google qui continue de laisser Gmail en phase bêta tout en rajoutant des fonctions totalement inutiles (un mini-chat… ils veulent concurrencer MSN ? Ridicule !) et en laissant traîner les fonctions essentielles qui manquent encore à ce portail pourtant bien fonctionnel. La fonction essentielle par excellence est le support du protocole IMAP. On peut en effet relever ses e-mails adressés à une adresse Gmail avec n’importe quel client, en utilisant le protocole POP3 comme au bon vieux temps. Mais le protocole POP3 est vieux et ne tient pas en compte le fonctionnement des récents webmails. En effet, il est prévu pour le téléchargement des messages en local et leur consultation hors-ligne. Par conséquent, si après avoir lu un message téléchargé vous décidez de le classer dans tel ou tel dossier de votre boîte aux lettres, ce classement ne sera pas répercuté sur le serveur et le message restera dans votre boîte de réception Gmail.
Le protocole IMAP permet au contraire de synchroniser la structure des boîtes aux lettres en local et sur le serveur. Ainsi, dès qu’un nouveau message arrive sur le serveur il arrive sur le client (pas besoin de paramétrer le logiciel pour qu’il relève le courrier «toutes les 10 minutes»), dès qu’un message est modifié ou déplacé sur le client, il l’est sur le serveur.
Mais l’IMAP a aussi ses limites: il ne télécharge à priori que les en-têtes des messages, le corps étant téléchargé lorsqu’on ouvre le message. Les modifications de la structure de la boîte aux lettres opérées hors-ligne ne sont pas forcément possibles et si elles le sont, elles ne sont pas forcément enregistrées pour être envoyées au serveur à la prochaine connexion. Tout dépend du logiciel qu’on utilise.
Mais, à supposer qu’on possède un compte e-mail supportant le protocole IMAP, encore faut-il trouver un logiciel bien pensé et pouvant travailler avec ce protocole. Sur mac, ce n’est pas chose facile.
Il existe un excellent logiciel sur PC/Windows: Pegasus Mail, alias PMail. Ce logiciel est une merveille. Déjà, il existe depuis très longtemps, depuis les premiers e-mails. Ensuite, il sait évoluer et intégrer les nouveautés (IMAP par exemple). Finalement, il n’a jamais abandonné au cours de son évolution la philosophie première qui était la sienne et qui était celle d’à peu près tous les clients e-mails de première génération. PMail est complet et complexe. Il n’est pas particulièrement beau, mais il est puissant. On peut gérer plusieurs comptes, des dizaines de dossiers, des centaines de filtres, et des milliers (millions…) de messages. PMail permet de créer et d’utiliser des templates et de scripter de nombreuses actions. Il est multi-comptes et multi-utilisateurs, supporte POP3, IMAP, SMTP, l’affichage texte plein ou HTML, le filtrage, les réponses automatiques, le chiffrement, les encodages MIME, uuencode, BinHex, et bien d’autres choses encore.
Sur PC, il existe également Eudora. Pas la peine de parler de la version Mac: elle est vieille -obsolète- et fonctionne assez mal. Eudora est également un des vétérans, bien pensé, avec de nombreuses fonctions, et très agréable à utiliser. Jusqu’à présent Eudora était payant, ce qui peut en freiner plus d’un. Qualcomm vient d’annoncer il y a quelques jours à peine que le code source de son logiciel allait être publié et libéré des droits. Eudora rejoindra donc prochainement la grande famille des logiciels open-source. On peut espérer que la communauté se penche sur son code source et sorte une version Mac à jour et peut être même une version Linux.
Et ce ne serait pas superflu, car les logiciels d’e-mail sur Mac, ce n’est pas la panacée. Il y a les deux inévitables dont on dit qu’ils sont bons alors qu’ils ne le sont pas: Apple Mail et Thunderbird. Le premier est très agréable à utiliser, il faut l’avouer, mais manque cruellement de possibilités de paramétrage -comme tous les logiciels Apple-. Pour ajouter la moindre fonction de base (j’exagère à peine: récupérer ses e-mails Hotmail), il faut scripter le logiciel et lui rajouter des add-ons. Les add-ons c’est bien sympa, mais ça n’arrange en rien la stabilité et la sécurité du logiciel. A part cela (dommage, c’est rédhibitoire), Apple a eu de très bonnes idées: les SmartFolders, la possibilité de grouper les e-mails par fils («threads view»), les labels appliqué à toute la ligne correspondant à un e-mail dans la boîte de réception.
Thunderbird pourrait être un bon logiciel. En tout cas, on l’utilisera à défaut d’autre chose. Mais il est très loin d’être parfait. Le premier problème est qu’il est poussif et lent (je n’ai pas réussi à transférer d’un coup 2000 e-mails d’un dossier à un autre sans planter le logiciel). Les logiciels Mozilla ne sont décidément pas optimisés Mac ! Ensuite, il a une gestion bizarre des threads et sa vue par colonnes à la façon Entourage est, je trouve, assez mal faite.
La plupart des utilisateurs de Mail ou de Thunderbird en sont satisfaits, mais ce n’est que parce qu’ils ne connaissent aucune solution alternative. La caverne de Platon. L’utilisateur de Thunderbird ne passera pas à Pegasus Mail car il le trouvera laid et peu pratique. L’utilisateur de PMail ne passera pas à Thunderbird car il le trouvera lent et incomplet. Pourtant, il existe une différence entre ces deux catégories d’utilisateurs: alors que les premiers passeront sans remords à Mail où à un autre client, les second n’abandonneront PMail qu’avec une immense nostalgie.
Il existe sur Mac un excellent logiciel d’e-mail, qui me fait un peu penser à PMail tant il est bien conçu (même si leurs interfaces sont totalement différentes): Mailsmith de BareBones. Ce que j’aime dans ce logiciel c’est qu’il part du postulat qu’un e-mail est un «courrier électronique», qu’il contient du texte. Il en découle que Mailsmith n’affiche pas le contenu HTML et se contente du texte brut (ce qui est absolument nécessaire ; il est peut être utile de rappeler à ce propos que la plupart des virus dont on parle à la télé et dans les journaux -comme le célèbre ILoveYou- n’existent que parce que MS Outlook Express affiche le contenu HTML des e-mails, les logiciels se limitant à un affichage texte brut étant totalement immunisés…). Il en découle également que Mailsmith possède des fonctions d’édition et de tri extrêmement puissantes (à l’image de BBEdit). Quand on a plusieurs dizaines de milliers d’e-mails en archive, il est bien utile de pouvoir mettre en place des filtres puissants pour les classer, ou des options de recherche avancées pour trouver l’aiguille voulue dans la botte de foin. A côté des filtres de Mailsmith, ceux de Thunderbird et de Mail font doucement rigoler.
Côté spam, la dernière version de Mailsmith est bien pourvue puisqu’elle s’intègre parfaitement à Spamsieve, un logiciel de filtrage très puissant (et qui travaille en local et non pas sur le serveur, ce qui implique que si l’hébergeur de votre adresse n’a pas mis en place de filtre spam, vos e-mails ne sont pas traités -lus- avant d’arriver sur votre machine). Et puis, de manière générale, je trouve ce logiciel très agréable à utiliser: quand j’ai besoin de faire quelque chose, j’arrive à le faire. En bref, il répond à mes attentes, et il le fait bien.
Pourquoi, dans ce cas, ne pas utiliser Mailsmith ? Mailsmith présente trois problèmes majeurs. D’abord, il est payant et cher. Ensuite, il ne supporte toujours pas le protocole IMAP. Ensuite et surtout, c’est silence radio sur son développement, il semble un peu -totalement?- abandonné et son éditeur n’a rien fait depuis plus d’un an pour montrer le contraire.
J’ai testé tous les logiciels e-mail disponibles sur Mac et, pour l’instant, aucun ne me satisfait. Aucun n’arrive à la hauteur de PMail qui est vieux, gratuit et développé par une seule personne. Et l’avenir est assez sombre -à part l’ouverture du code d’Eudora- puisque le grand public utilise beaucoup plus les webmails que les logiciels clients. La plupart des gens ne savent même pas qu’il est possible de consulter ses e-mails d’une autre manière qu’en lançant son navigateur internet…